Tanger... ambiance à la Corto Maltèse !...
Les lumières de la ville marquent bien la rive dans l'obscurité, le phare blanc qui flash dans notre étrave marque l'autre bout de la baie de Tanger... sur notre tribord on aperçoit des lumières de cargo "dans le rail" et une lueur moins précise mais qui semble importante !?... Tarifa, ville espagnole à 24 milles de l'autre côté du détroit... Avec ce vent et les conditions de courant, il nous faudrait près de 5 à 6 h pour y arriver et si le coup de vent nous saisi en plein milieu alors la... cata!...
Peu à peu, je distingue des cargos à passagers derrière la digue, mais je ne reconnais pas encore le bout de celle-ci, trop de lumières en arrière-plan et un ridicule feu, quasiment impossible à voir à moins de 200m !...
En 20mn, pas moins de 5 ferrys ou "rapides" entrent et sortent du port..., enfin j'arrive dans l'avant-port, je me rapproche un peu du rivage pour en laisser rentrer un de plus et oriente Pythéas face au vent, j'éclaire les feux de pont et pendant que Gérard commence à installer les pare-bat', je me charge d'amener la voile et la ferler!...
Bon maintenant, à nous de trouver le "msiou ti tournes à droite pi tout droite..."
Un gros ferry manoeuvre nous bloquant le passage... un NGV arrive derrière nous et ... un pêcheur nous arrive en face pour sortir...
Je navigue au pied d'une grande muraille...?, l'Excelsior, un gros bateau à passagers à quai et me dirige vers le "côté obscure" non pas de la force mais du port!...
Je distingue une digue, des bateaux de pêche collés les uns aux autres et un passage entre les deux pour joindre un autre bassin... j'avise un ponton...vide... tandis que des soldats sur les 4 vedettes et croiseur militaire amarrés derrière la digue nous observent...sans rien dire!...
J'avertis Gérard de préparer aussières à bâbord et jouant du propulseur et du moteur je commence l'approche dépalé par le vent à peine ralenti par les digues!?...
Un gardien?, policier? arrive sur le ponton et lorsque j'imagine qu'il va nous prendre l'amarre, il nous crie un "c'est interdit, tu dois partir, c'est réservé aux militaires!..., va là bas derrière"
??? ou là bas... je ne vois rien que des bateaux de pêche "entassés", des petits bateaux et un ponton apparemment bien plein de vedettes moteurs et peut-être..., dans l'obscurité, oui un mât, un voilier,....
Allez... je vire, m'approche, Gérard s'active aux pare-bat' et aussières, je m'approche du quai et manoeuvre arrière... mais le vent me dépale et m'entraine ailleurs.. il faut manoeuvrer, revenir se positionner face au vent et se dépaler contre le motor yacht....
Un gars s'agite sur le ponton, on comprend rien de rien , ni l'autre; il fait des grands signes, crie, rouspète....tant pis, je continue ma manoeuvre et on accoste sans trop de brutalités le bord du yacht!... Abdel, ( vous avez compris, il s'appelle Abdel) monte sur l'autre bateau saisi notre amarre mais continue de rouspèter sans l'accrocher, tandis que j'essaie d'éviter de reculer sur le ponton...
En fait... et il aura fallu que je vienne accrocher l'amarre sur le taquet du ponton et relancer le moteur en avant pour nous garder plaqué...pour comprendre qu'il voulait que l'on jette l'ancre!...
Un heure plus tard, le bateau est amarré, Gérard part se coucher et je descends à terre avec 2 oranges à partager avec Abdel, le gardien de nuit...
L'atmosphère est fraîche, Abdel pêche sur le ponton avec un simple fil en écoutant la radio marocaine... il est timide, parle assez mal le français, et est gêné que je le rejoigne après avoir calmé de ses ardeurs quant à un pourboire...alors que je n'avais rien sur moi dans la manoeuvre!...
On parle du Maroc, de la situation, de Mohammed.. le VI, de lui, de sa famille... autour de nous c'est désert, sauf en face ou qqs ombres disparaissent derrière les bateaux... les batiments de la capitainerie sont austères, mal éclairés, de l'autre côté, des véhicules arrivent dans l'obscurité pour se préparer à un embarquement prochain...
Au loin, la ville est encore un peu agité par qqs voitures et des individus passent, des sacs sous le bras, la tête tournant régulièrement....
Il est 1h du matin, je vais me coucher et je vous raconte bientôt le réveil dans Tanger port...
9h, encore endormi, quelques bruits commençaient pourtant à titiller mes oreilles, l’activité du terre-plein d’embarquement des camions qui jouxtent nos pontons…, les bruits des véhicules qui animent la ville et les alentours… et les coups de sifflet stridents des nombreux policiers, qui apparemment doivent être récompensés au nombre de notes émises tant ils en jouent allègrement!…
Mais je m’éveille totalement lorsque 2 pas lourds frappent le banc de cockpit juste au-dessus de ma tête et finissent dans le cockpit avec un « bonjour, bonjour » insistant; j’entrouvre mon hublot, j’aperçois 2 paires de jambes et je réponds au bonjour… « c’est la police …». « Bon d’accord, j’arrive! », un jean et un tee-shirt enfilé, je sors du carré en ouvrant les panneaux… 2 individus sont devant moi: un jeune en babouche et survêt et un plus âgé, avec un sac à dos d’enfant sur l’épaule et veste cuir noir… Il s’approche comme pour entrer, mais je m’interpose, « c’est pour quoi? »
Sans répondre, le plus âgé me réponds « vous n’êtes pas aller voir la police, et pourquoi » je commence à lui expliquer mais il essaie de m’écarter!…
« vous avez votre carte ?» Rien dans son apparence (à part la veste cuir noir) me confirme qu’il est de la police et j’essaie de lui faire comprendre que je suis équipier-marin à bord, je ne le connais pas et qu’il est normal de m’assurer de son identité…
Vexé, il rétorque qu’il est la depuis 17 ans et que c’est la police et qu’il veut rentrer dans le bateau, je reste face à lui, il commence à être remonté… le jeune lui dit qqchose en marocain et il consent à me sortir son portefeuille pour me montrer sa carte!… Il est piqué au vif et c’est l’instant que choisis Gérard pour sortir de sa cabine en pyjama en l’accueillant comme s’il s’excusait de cet accueil par un « vous prendrez un café? »…
L’agent, l’inspecteur, le fonctionnaire accepte, s’installe, sort ses papiers et commence ses écritures, soupçonneux, tandis que Gégé s’efforce de détendre l’atmosphère…
Le jeune, Nabil est du port et il me montre à vue les différents équipements, les douches, le Yacht-club Royal, le branchement électrique, etc,…
Toujours aussi vexé, le « flic » me laisse supposer que mon passeport est douteux, pas de tampon de la préfecture?…, il est persuadé de m’avoir déjà vu!?
Oui si vous étiez là en 84 lorsque j’ai traversé le Maroc en moto, mais j’avais quand même une autre tête…
Les documents sont remplis et à notre surprise, ils nous confisque nos passeports et les papiers du bateau?… lorsque je m’insurge et veut lui reprendre il nous tend 2 malheureux bouts de papier, marqué d’un permis d’escale et de nos noms… « mais pourquoi? »
« pour éviter de vous les faire voler… » « mais les touristes qui arrivent? » « eux c’est pas pareils… » Rien à faire, nous ne pourrons pas récupérer nos papiers avant notre départ!… Cà commence bien…!
La gazinière fait défaut, je décide d’accompagner Nabil, pour qu’il me montre les sanitaires et le bar du Yacht club pour un petit déj et une connexion internet…Je peux observer ce que j’aperçois de la ville et du port… Ce dernier est encombré de bateaux de pêche et en fait de marina, 3 pontons archi comble de petites vedettes à moteurs, 1 ou 2 voiliers de résidents et la place ou nous sommes qui semble être la seule place restante disponible!…les bâtiments qui l’entourent ( apparemment douane et gendarmerie royale, semble récents tout en étant vétustes… plus loin l’animation de l’avenue qui mènent aux entrées de gares maritimes est crescendo, des voitures, des camions, des policiers qui sifflent, des hommes qui s’interpellent, discutent ou s’interpellent par petits groupes de 3 ou 4, d’autres attendent?… des policiers en civil, interpellent des gens qui s’arrêtent en voiture pour discuter avec des piétons ou des gens qui trainent un peu trop…. Il y a de la surveillance? Et la présence policière est importante, pourquoi?… J’apprendrais, plus tard, que Mohammed…, non pas le copain de Lyon, mais le VI, celui du Maroc, enfin le roi quoi est à Tanger depuis hier soir!….
Ah bon, c’est pour cà! Cela me rappelle vaguement les déplacements de notre « monarque » chez nous en France…beaucoup de policiers, et l’impression que la vie sociale doit s’arrêter et se modifier pour laisser passer « Monsieur »!…
Pour le reste, j’aperçois une petite partie de la ville au-delà des bâtiments de « les diuanes, li gidarmerie et le Ministère de la Marine Marchande»… pas mal d’immeubles de 3 à 4 étages d’un blanc fatigué ou d‘un bleu pâle, surmonté de l‘inévitable parabole, çà et là on reconnait quelques arcades de fenêtres ou de portes au style Andaloue, au loin, opposés, 2 minarets…
Je m’installe à une table extérieure que je quitte rapidement pour me réfugier à l’intérieur…malgré le soleil, l’air est vif et en teeshirt et petit gilet, c’est un peu juste…Fini les tropiques!…
Je commande un thé vert avec des tartines de pain et beurre…, les serveurs sont en tenue, pantalon, chemise et gilet, stylée et leur service ne l’est pas moins… Pendant que « teuteur », l’ordi télécharge mes mails, j’écoute et j’observe…; proche de moi, une famille marocaine est venu accompagnée l’un des leurs qui prend le ferry pour l’Espagne, ils échangent calmement, la seule jeune femme est discrète, effacée…, à une autre table, un français (que j’imagine chauffeur routier lorrain…pourquoi lorrain? L’accent peut-être) discutent, avec un marocain en costume rayé qui doit travailler chez un import-exportateur à côté, du prix des transports « vers le sud » et de Ahmed qui propose trop peu cher et qui n’y arrivera pas!…
Plus loin, 2 gars me font face en buvant leur café, le plus gros est avachi sur sa chaise et la table, avec l’air de partager des secrets d’importance avec son interlocuteur, bientôt rejoint par un jeune en survêt’ qui leur montre tout aussi secrètement l’écran de son portable….
2 italiens à une autre table avec des blousons polaires siglés RIBONI (peut-être une boite de transport?!…) enfin 2 français (me semble-t-il) assez grands, habillés en jean noir et pull col roulé pour l’un et gilet cuir noir sur chemise décontracte pour l’autre surmonté d’une chevelure longue en queue de cheval et argenté… ceint d’un foulard rouge sur le front… Ils sont silencieux, presque austères et semblant attendre…quoi? Je ne sais pas!…
Les regardant tous, je commencerai bien à écrire les premières lignes d’un roman noir ou policier tant les personnages sont contrastés et tous un peu mystérieux….Une atmosphère de traficotages ou espionnage…. Çà y est, voilà que mon esprit carcacole!…
Après le long temps internet, notamment pour rédiger ces articles, la douche chaude est un délice, puis nous revenons déjeuner au Yacht-club!… Grand style; apéritifs soulignés de tranches de pain aillé et beurré, soupe de poissons avec service en soupière et garçon à 2 pas, verres servis avant qu’il ne soient vidés…plats de poissons avec qqs légumes servis façon contemporaine (grande assiette et peu de légumes…) thé vert pour finir et accompagné Gérard qui n’aura pas résisté à un moelleux chocolat!…Une longue conversation sur Tanger suit avec le chef de caisse et le chef de salle ( quand je vous disais, grand style!…) et nous rentrons au bateau (sieste pour Gérard, discussion avec les nouveaux arrivants pour moi) l’après-midi a filé si vite qu’après une rapide virée à l’épicier du coin pour du pain et du gaz, le soir s’amorce déjà avec les lampadaires qui diffusent une lumière blafarde, toujours les petits groupes d’hommes qui discutent, ou s’apostrophent (quasiment pas de femmes dans les rues depuis ce matin; les seules que nous verront seront soit la femme d’entretien du Yacht club, soit les fonctionnaires ( toutes avec un foulard) des administrations (douanes et autres) et 2 petites tangéroises hyper-mignonne qui se sont retournées (enfin aussi souvent que moi!….), les voitures continuent, les sifflets persistent dans leur musique… Repas au même endroit le soir (soupe et brochettes marocaines…, bon vieux calvados offert pour notre fidélité!…) et dodo!
Le lendemain, c’est l’inévitable rencontre avec l’administration et les fonctionnaires du sud!…
2h passés à sillonner une avenue et différents immeubles pour finalement retourner à l’opposée de l’avenue, et donner des papiers qui n’avanceront pas plus les choses… mais bon, Est-ce un coup de chance, ou l’insistance que nous avons eu avec le bureau de Police maritime le matin, comme par magie, nos papiers nous sont rendus avant l’heure dite, l’agent de la douane, revenant en 2 fois…
Choukran messieurs, d’autant que finalement les nouvelles de la météo ne sont pas engageantes et nous attendrons un peu avant de partir…